Vue sur Tahiti depuis l'antenne de Temae, différentes nuances de bleu

Les origines

Quand on n'a plus de projets, on s'ennuie comme une valise fourrée au grenier entre deux voyages.
Grégoire Lacroix, Le penseur malgré lui (2012)

Ce projet est né d’un constat simple : en Polynésie, la mer est partout. Tout autour de nous, sur presque toutes les bouches, dans presque toutes les pensées, dans presque toutes les légendes, sur presque toutes les photos. Ayant vécu une dizaine d’années sur l’Île de La Réunion, mon rapport à la mer était très distant. La mer, c’est beau sur une photo. C’est bien d’en être à proximité pour un pique-nique, on peut s’y rafraîchir quand il fait chaud, sans trop s’éloigner du bord et uniquement dans le lagon.C’est pourquoi, arrivé ici, à Moorea, il m’a fallu beaucoup de temps pour oser m’éloigner du rivage et braver le bleu. Ce bleu si impressionnant. Si fascinant. Et ce que j’y ai vu m’a marqué pour toujours. À l’extérieur du lagon, on peut voir le fond de l’océan, enveloppé de toutes parts par ce bleu lumineux. Dans le lagon, on peut parfois voir toute une faune, allant des coraux immobiles aux barracudas un peu trop curieux. Le dénominateur commun à ces expériences sensibles reste le bleu.

Le bleu, je semblais le connaître. J’aime cette couleur, comme la majorité des occidentaux selon Michel Pastoureau. Je ne suis pas original. Je n’ai jamais eu la chance de voir réellement les travaux d’Yves Klein, mais son IKB m’a marqué lorsque j’ai pu en voir des représentations numériques. Voir la mer en Polynésie m’a immédiatement rappelé ces monochromes peints sur résine synthétique.

Ici, le bleu n’est pas seulement une couleur, c’est un lieu, c’est un repère de profondeur. Au bleu, la mer est profonde. Contrairement au vert par exemple. En tahitien, on traduit bleu par nīnamu, ou par moana. L’un est la couleur générique, l’autre est le bleu de l’océan. De ce dernier, il en existe toute une palette permettant d’en évaluer la profondeur. De moana tea à moana uri pa’o, du bleu du lagon au bleu opaque des profondeurs. Ainsi, ce projet se nomme logiquement Moana.

Passionné de photographie depuis de nombreuses années, il me faut traduire ce bleu. Évidemment, une photographie n’en sera qu’une représentation partielle, tronquée. Naviguer au-dessus du bleu, en voir les variations d’intensité, de saturation et de teinte est en soi toute une expérience. En soi. Dans le conscient et l’inconscient du spectateur. La mer offre ici, au quotidien, un véritable spectacle, comme celui qui conduisait Claude Monnet à peindre inlassablement sa meule de foin ou la cathédrale de Rouen, ou comme la montagne Sainte-Victoire fascinait Cézane. Voilà ce projet photographique que j’espère pouvoir partager avec vous à travers ce blog.

Raphaël Mezzapesa

Raphaël Mezzapesa

Musicien à l'origine, je me suis également intéressé à la photographie depuis mon plus jeune âge. Les modes d'expression de ces deux arts diffèrent et se complètent. Là où la musique développe son expression à travers le temps, ce qui me fascine dans la photographie, c'est cette capacité à transmettre une émotion, un ressenti au regardeur en une fraction de seconde.